Partitions

La musique a depuis longtemps figuré sur des partitions (la notation en Europe s’est stabilisée aux environs du XVIe siècle). Même si l’enregistrement mécanique a fait reculer le phénomène, cantonnant l’édition graphique au secteur de la musique dite « classique » pour beaucoup. Mais le régime juridique des partitions est difficile à connaître.

La décision de la Cour européenne de justice vient, entre autres choses – notamment l’exclusion des éditeurs du bénéfice de la rémunération pour reprographie, c’est-à-dire de la photocopie, et v. par exemple ActuaLitté,  https://m.actualitte.com/n/62056 –, nous rappeler que les partitions ne sauraient être incluses dans la rémunération équitable consécutive au droit de reprographie, et donc de la faculté de droit d’effectuer des copies moyennant une contribution à cette rémunération : selon les juges, « il découle explicitement du libellé de l’article 5, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/29 que les partitions sont exclues du champ d’application de l’exception de reprographie. Elles ne sauraient, dès lors, être prises en compte dans le calcul de la compensation équitable dans le cadre de cette exception… » (CJUE 21 novembre 2015, Rev. Dall. IP/IT, 2016/2, p. 30, obs. V. L. Benabou).

Par ailleurs, lorsque l’on sort du cadre de ce droit de reprographie, les partitions soulèvent un problème principalement en ce qui concerne l’édition d’œuvres tombées dans le domaine public. De fait, les bénéficiaires de droits voisins – art. 211-1 et s. du Code de la propriété intellectuelle, attribuant depuis 1985 en France un droit proche du droit d’auteur aux artistes-interprètes et aux producteurs de phonogrammes notamment – ne comptent pas parmi eux les éditeurs graphiques. Pour l’édition de partitions, il en résulte que l’éditeur est protégé par le droit d’auteur, dont il est cessionnaire, tant que l’œuvre éditée est bénéficiaire de cette protection. Mais, si l’éditeur imprime une œuvre tombée dans le domaine public, comme c’est le cas pour de nombreuses œuvres dites « classiques » des siècles antérieurs au XXe siècle, il ne peut pas bénéficier de la protection du droit d’auteur.

Mais les partitions sont souvent louées, notamment en matière de musique classique, musique de films, comédie musicale, opérette… dans le cadre d’un contrat de location de matériel d’orchestre, dit contrat de « format ». Et, afin de s’assurer une rémunération par de nouvelles locations, l’éditeur inscrit dans le contrat de location une interdiction d’effectuer une copie des partitions mises à disposition pour une représentation. Le procédé aboutit à instituer par contrat un droit spécifique. Sur ce point, deux analyses sont possibles.

D’un côté, on peut penser que cela est valable du fait qu’il est admis que l’on puisse créer un droit réel sui generis en dehors de ceux consacrés par la loi (v. récemment, en matière immobilière, Civ. 3ème, 31 octobre 2012, aff. la Maison de la poésie, pourvoi n° 11-16304, D. 2013. 53, note L. d’Avout et B. Mallet-Bricout, JCP. 2012. 1400, note F.-X. Testu, RDC 2013. 584, note R. Liebchaber, RDC 2013. 627, note J.-B. Seube, cassation : « les parties étaient convenues de conférer à La Maison de Poésie, pendant toute la durée de son existence, la jouissance ou l'occupation des locaux où elle était installée ou de locaux de remplacement, la cour d'appel, qui a méconnu leur volonté de constituer un droit réel au profit de la fondation »). Le droit de l’éditeur serait alors fondé sur une propriété intellectuelle. D’un autre, on peut en douter en partant de la constatation que la propriété intellectuelle est trop différente de la propriété réelle immobilière. Il ne resterait plus à l’éditeur, alors, que de se fonder sur un droit personnel, et d’invoquer la responsabilité contractuelle.

Publié le : 
13 Mars 2016
Auteur de l'article : 
Jérôme Huet
Source(s) : 
Divers