L’artiste amateur dans le spectacle vivant

Après une tentative de faire échapper l’artiste amateur à la présomption de salariat bénéficiant à l’artiste professionnel depuis 1969, tentative avortée en 20[1], un statut a été conféré à l’artiste amateur dans le spectacle vivant par l’art. 32 de la loi 7 juillet 2016, relative à la liberté de la création à l'architecture et au patrimoine, dans le cadre de son chapitre IV, intitulé « Promouvoir la diversité culturelle et élargir l'accès à l'offre culturelle ». Le texte, qui a un champ d’application important en matière musicale où le recours à des amateurs est fréquent[2], comporte trois parties dont la dernière a été âprement discutée afin d’éviter d’affaiblir le statut de l’artiste professionnel. Il n’a pas été mentionné sous l’art. L. 7121-3 du code du travail lequel établit la présomption de salariat bénéficiant à l’artiste professionnel, comme y dérogeant : pourtant il le fait, ce qu’indique clairement le II de l’art 32, lequel dispose que « la représentation en public d'une œuvre de l'esprit effectuée par un artiste amateur ou par un groupement d'artistes amateurs et organisée dans un cadre non lucratif, y compris dans le cadre de festivals de pratique en amateur, ne relève pas des articles L. 7121-3 et L. 7121-4 du code du travail ». Et d’ajouter que « par dérogation à l'article L. 8221-4 du même code, la représentation en public d'une œuvre de l'esprit par un artiste amateur ou par un groupement d'artistes amateurs relève d'un cadre non lucratif, y compris lorsque sa réalisation a lieu avec recours à la publicité et à l'utilisation de matériel professionnel ». Le I de l’art 32 définit la personne concernée en ces termes : « est artiste amateur dans le domaine de la création artistique toute personne qui pratique seule ou en groupe une activité artistique à titre non professionnel et qui n'en tire aucune rémunération. L'artiste amateur peut obtenir le remboursement des frais occasionnés par son activité sur présentation de justificatifs ». Le critère essentiel de distinction avec l’artiste professionnel est donc l’absence de rémunération, ce qui n’empêche pas que l’artiste amateur se voie rembourser certains frais, ni que le spectacle comporte une billetterie payante afin de financer l’activité de spectacle, voire de subventionner des actions caritatives. Le III de l’art. 32 a été aménagé de manière à satisfaire les artistes professionnels qui s’inquiétaient de voir favoriser ainsi le travail dissimulé et la concurrence déloyale. Aussi bien ce texte répète-t-il que « toute personne qui participe à un spectacle organisé dans un cadre lucratif relève des articles L. 7121-3 et L. 7121-4 du code du travail », c’est-à-dire de la présomption de salariat. Ce faisant, le texte laisse aux juges la possibilité de requalifier en pratique professionnelle une pratique amateur inexacte et il renvoie à un décret d’application le soin de préciser « la possibilité de faire appel à des artistes amateurs ou à des groupements d'artistes amateurs prévue au deuxième alinéa du présent III en fixant, notamment, les plafonds concernant la limite d'un nombre annuel de représentations et la limite d'un nombre de représentations par artiste amateur intervenant à titre individuel ». Car il faut « limiter le recours à l’artiste amateur à un  nombre raisonnable de représentations annuelles »[3], si l’on veut éviter qu’il ne soit trop empiété sur la pratique professionnelle.



[1] V. Johanna Bacouelle, La pratique amateur menace-t-elle le principe de la présomption de salariat des artistes du spectacle ?, Les Petites Affiches 2016, n° 102, p. 6 s.

[2] Artiste de variétés reprenant des chansons d’autrui, auteurs-compositeurs-interprètes, chœur constitués d’amateurs au sein d’orchestres classiques…

[3] Johanna Bacouelle, précitée, p. 8.

 

Publié le : 
09 Octobre 2016
Auteur de l'article : 
Jérôme Huet
Source(s) : 
Divers